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Phytos Les techniciens bientôt interdits de tour de plaine

« Nous assistons à une tentative de dynamitage du modèle coopératif par pure idéologie », a fustigé Pascal Desvages, président de la coopérative de Creully, lundi 26 novembre. © A. Dufumier

Commentant le projet d’ordonnance visant à séparer le conseil de la vente des produits phytosanitaires, les responsables de la coopérative de Creully ont dénoncé une usine à gaz.

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« Tel qu’a été présenté le projet d’ordonnance visant à la séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires, nous comprenons que le ministère souhaite interdire physiquement aux techniciens d’aller dans les parcelles, dénonçait le 26 novembre 2018 Stéphane Carel, le directeur de la coopérative de Creully. Pourtant, notre indépendance vis-à-vis des firmes de produits phytosanitaires est totale. »

Encore beaucoup de points à résoudre

Basée dans le Calvados et spécialisée dans l’approvisionnement et la collecte de grains, la coopérative organisait ce 26 novembre 2018 son assemblée générale au Mémorial de Caen (Calvados). Et un adhérent a interpellé le directeur de la coopérative à ce sujet. L’ordonnance en question pourrait entrer en application dès le 1er janvier 2020. Une date que Stéphane Carel juge improbable tant le nombre de points à résoudre est grand.

« Mais l’Administration a parfois des ressources insoupçonnées », lance-t-il sur le ton de la plaisanterie. Pour l’heure, « on n’imagine pas se séparer du conseil, ni de la vente. Nous attendons des nouveautés dans les textes », complète Pascal Desvages, le président de la coopérative, alors que les représentants nationaux, dont Coop de France, ont claqué la porte du ministère, le 14 novembre dernier en lui demandant de revoir sa copie.

Sans nouvelles du gouvernement

Jusqu’ici les professionnels sont toujours sans nouvelles du gouvernement. La coopérative espère y voir plus clair dans les semaines à venir. Elle a prévu des réunions d’information avec les adhérents en janvier. « Créer une structure affectée au conseil comme nous l’avions envisagé au départ ne serait pas possible en l’état actuel du texte, complète son directeur. Ce dernier prévoit une séparation capitalistique et fonctionnelle du conseil et de la vente. »

Ce projet d’ordonnance est un véritable coup dur pour cette petite coopérative très appréciée de ses presque 2 000 adhérents et qui depuis 80 ans défend des valeurs de proximité et d’indépendance se mettant toujours à l’abri des grandes restructurations du secteur. Pascal Desvages voit d’ailleurs dans ce projet, « une tentative de dynamitage du modèle coopératif par pure idéologie ».

Payer la note

« Dans cette histoire, c’est encore le producteur qui paiera la note. Notre objectif, c’est vos marges. La coopérative n’est que le prolongement de vos exploitations », a martelé Pascal Desvages. Par ailleurs, l’ordonnance prévoit que les agriculteurs devront démontrer qu’ils font appel à un cabinet de conseil indépendant via un « feuillet de conseil annuel » pour pouvoir s’approvisionner en produits phytosanitaires. Et ce conseil serait à leur charge.

« À l’heure actuelle, très peu d’agriculteurs se permettent de passer par des conseillers privés. Le modèle économique de la fonction de conseil est très difficile à équilibrer. Avec ce projet de loi, des agriculteurs qui bénéficiaient de conseil gratuit avec la vente de produits risquent de ne plus en avoir du tout », craint Anne Laure Paumier, directrice adjointe de Coop de France métiers du grain.

Devenir des technico-commerciaux, mise en place de cabinets de conseil, articulation avec les impératifs liés à la mise en place des certificats d’économie de produits phytosanitaires, avenir du Certyphyto, coût pour le producteur, devenir des filières de qualité… « En l’état actuel, le projet d’ordonnance ne propose presque aucune solution concrète », confirme Anne-Laure Paumier. C’est une véritable usine à gaz qui se prépare.

Alexis Dufumier

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